« Regarde-la, l’autre pute avec son bébé »

Ce n’est pas dans mes habitudes d’écrire deux articles dans la même journée, je crois bien que ça ne m’était encore jamais arrivé. Je préviens que celui-ci sera sans doute très désordonné, parce qu’écrit sous le coup de l’émotion.

L’après-midi était bien entamée, aujourd’hui, la petite viking était à la crèche, j’en ai profité pour me reposer. Comme il fait chaud, mais surtout parce que ça me plait, j’étais habillée en salopette-short. J’ai récupéré ma fille à la crèche avec comme seul problème en tête qu’il fallait que je me dépêche parce qu’il risquait de pleuvoir. Naïve que je suis.

salopette short

La tenue du crime

En arrivant en bas de mon immeuble, je suis passée devant une bande de « jeunes », mais probablement plus âgés que moi, dans les 25 ans. Deux mecs et deux filles. Je précise, avant de récupérer tous les trolls racistes, qu’il s’agissait de jolis petits « blancs » en polo Ralph Lauren. Qu’on arrête de me dire que les magrébins ont le monopole du sexisme (merde).

Je les dépasse de quelques mètres sans qu’ils me remarquent et sans faire attention à eux. Et j’entends clairement et distinctement, dit de manière à ce que je l’entende parfaitement: « Regarde-la, l’autre pute avec son bébé ». Ce qui a beaucoup fait rire ses copines. Parce que, c’est aberrant, mais la misogynie n’est pas non plus le monopole des mâles.

Ce n’est pas la première fois et ce ne sera certainement pas la dernière, que je me fais traiter de pute, de salope ou autre jolis petits noms, que je sois habillée court ou pas.

D’habitude, quand ça arrive, je passe mon chemin, je ne fais pas attention, je ne me formalise pas. C’est triste à dire mais je me suis habituée. C’est pour cela qu’on appelle ce genre de réflexions du « sexisme ordinaire ». Ordinaire, c’est vrai. Mais ça ne devrait pas l’être.

C’était la première fois que ça m’arrivait avec mon bébé. Et surtout c’était même directement adressé aussi à ma petite fille de 10 mois. C’est ça qui m’a largement échaudée.

Parce que je ne veux pas que ma fille ait cette vision de la femme, malheureusement si répandue. J’aimerais que ma fille puisse s’habiller le matin en se demandant seulement ce qui lui convient à elle. Pas ce qui convient aux autres.

J’aimerais que ma fille, qui sera un jour une femme, ne se fasse pas insulter dans la rue chaque jour de sa vie simplement parce que c’en est une. Parce qu’on insulte pas une femme parce qu’elle est habillée court, mais bien parce que c’est une femme.

J’aimerais que ma fille n’ait pas peur de se balader seule. Où que ce soit, dans la tenue qu’elle souhaite. Je rêve que la seule chose qui retienne ma fille de sortir nue dans la rue soit, comme pour les hommes, la pudeur et non la peur de se faire violer.

Je sais que malgré tout mes efforts pour lui apprendre le respect, l’égalité, la force et la confiance en elle, ce ne sera pas le cas.

Parce qu’au delà des insultes banalisées, chaque heure 9 personnes se font violer en France, dont 8 femmes (le viol masculin n’est pas à oublier non plus). 205 par jour. 75 000 par an. Et 198 000 tentatives de viols chaque année. Selon Planetoscope, depuis le 1er Janvier 2014, ce sont 37 944 femmes qui ont été violés. Probablement que ce chiffre aura augmenté quand vous irez voir.

Avant 20 ans, c’est une femme sur 10 qui a été violée. Cela représente plus de la moitié des crimes enregistrés en France. Au delà de ces chiffres, que je vous donne pour vous montrer l’ampleur du désastre et pourquoi pas pour vous faire réagir, il y a une banalisation très nette du sexisme et même de la violence envers les femmes.

Ces viols aussi sont banalisés et les violeurs sont victimisés. Les premières question qu’on pose à une femme qui, en France, porte plainte pour viol sont bien trop souvent: « Aviez-vous consommé de l’alcool ou de la drogue » et « Comment étiez-vous habillée ».

Ce sont ces préjugés, ancrés dans notre société, ancrés dans les têtes des hommes comme des femmes qui fait que traiter une maman de pute devant son bébé, et conséquemment traiter son enfant de « fille de pute », c’est normal.

C’est pourquoi, cette fois, j’ai réagis. Parce que je compte apprendre à ma fille à se défendre, à ne pas se laisser faire, je veux lui transmettre, à ma hauteur, qu’elle doit toujours faire ce qu’elle souhaite, sans s’empêcher quoi que ce soit simplement parce qu’elle est une femme.

J’ai donc fait demi-tour, je me suis planté devant le groupe. J’ai déjà un à leurs expressions qu’aucun d’eux ne s’y attendant. Probablement parce que, comme je l’ai dit, plus haut, c’est devenu banal, on trouve ça normal, on ne réagit plus. Mais je ne veux pas que ma fille trouve ça normal. Je ne veux pas qu’elle intègre si petite une telle image de sa mère, de la femme en général et donc d’elle plus tard.

J’ai d’abord demandé aux filles quelle image elles pouvaient bien avoir d’elles-même pour rire quand une femme se fait traiter de pute parce qu’elle est en short. Elles ont baissé les yeux.

Je me suis ensuite tournée vers celui qui avait balancé cette horreur et je lui ai demandé s’il réalisait vraiment ce qu’il venait de me dire, ce qu’il venait de sous-entendre à propos d’une petite fille de 10 mois et si maintenant qu’il y réfléchissait, il trouvait ça drôle. Il a baissé les yeux et il n’a pas répondu.

Ensuite je lui ai dit de s’excuser, pas seulement auprès de moi, mais aussi auprès de ma fille. Je l’ai obligé à dire clairement à mon bébé « Je n’aurais jamais dû dire ça, ta maman et toutes les autres femmes ont le droit de s’habiller comme elles veulent ». Je voulais non seulement qu’elle entende ces mots de sa bouche à lui, mais aussi qu’il se paie une bonne humiliation devant ses potes.

Autant vous dire tout de suite que non, je n’ai pas été hyper courageuse, c’est un peu d’adrénaline et probablement beaucoup d’instinct maternel qui ont parlé. En repartant j’avais les jambes qui tremblait. En rentrant chez moi, j’ai fondu en larmes.

J’espère leur avoir servi de leçon, au moins à eux, même si je sais qu’il en reste partout et que la société en elle-même est misogyne. Et j’espère avoir un tant soit peu montré à ma fille qu’il n’est pas normal de se faire insulter parce qu’on est une femme. Que ça ne doit en aucun cas être accepté, jamais et encore moins devenir « ordinaire ».

Le sexisme ne devrait pas être ordinaire.

signature maman yuki

Edit: On m’a fait la réflexion que cet article pourrait être pris d’un côté où il deviendrait lui-même sexiste. Par « sexisme ordinaire », dans cet article, j’entends que c’est devenu courant, banal, presque normal.

Je tiens donc à préciser qu’il ne faut pas généraliser. Parmi tous les hommes que l’on croise, on se souviendra surtout de ceux qui ont ce genre de réflexion, c’est vrai. Mais ils restent une minorité.
Combien d’hommes croise-t-on par jour qui ne nous font aucune réflexion, qui ne nous regardent pas? Combien d’hommes sentent la femme comme l’égal d’eux-même? La majorité. Il ne faut jamais l’oublier.

Considérer que tous les hommes sont sexistes, que « tous les hommes sont des connards », comme on l’entend si souvent, c’est du sexisme en soi, c’est ce contre quoi on lutte. C’est surtout ça qu’il ne faut jamais oublier.

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118 réponses

  1. Ping : Le viol c’est fun? | Mamandine le blog
  2. Ping : Couvrez cette chose que je ne saurais voir « My Twinnies And Me
  3. Le nombre de fois où c’est dit par des femmes … quel que soit l’âge (les « à son âge en mini jupe », « un short avec cette cellulite » …). Mais ça arrive aussi aux mecs (« tu l’as vu avec son slim de ** et sa gamine à la main ».
    La bêtise est universelle et bien trop partagée.

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