Pourquoi j’ai choisi de rester avec ma fille: lettre ouverte à Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes et de la communication

Chère Madame,

Comme beaucoup de maman, j’ai choisis de rester au près de ma fille, dans mon cas seulement pour un an. J’ai pris cette décision parce que j’ai décidé de la voir grandir, évoluer, d’assister à toutes ses premières fois, de prendre mon temps. L’année prochaine je reprendrai le chemin de l’école puis je trouverai un travail et je confierai ma fille à une crèche.

Je ne suis donc pas directement concernée par votre projet de loi. Projet qui taxerai les mères au foyer. En effet, sous couvert d’une parité homme/femme, les hommes dont la femme ne travaillera pas paieront leurs impôts sur le revenus entièrement, plus de demi-part en moins. De même, les couples sans enfants bénéficiant de deux salaires verront leurs impôts baisser.

Mais je tiens à vous exprimer mon ressenti car je suis pour le choix. Je crois que chacun doit être libre de prendre ses décisions et je pense que votre projet obligerait les femmes à travailler.

Laissez moi d’abord vous exposer quelques cas de figure, car contrairement à ce que vous semblez penser, la plupart des femmes qui restent avec leurs enfants ne le font pas contraintes et forcées par leur mari.

Celles qui s’y trouvent contraintes le font par soucis financier. Parce que voyez vous, Madame, lorsqu’on travaille, on doit trouver un moyen de garde, malheureusement les enfants ne peuvent pas rester seuls. Outre le fait qu’il y a un réel manque de structures d’accueil et qu’il est difficile d’en trouver une, elles restent chères, y compris les crèches qui sont en partie financées par la CAF. Certainement pensez-vous que l’allocation jeune enfant permet de financer le moyen de garde, mais c’est loin d’être le cas et cette allocation s’arrête aux trois ans de l’enfant. Certes ensuite les petits vont à l’école, mais les emplois qui s’adaptent parfaitement aux horaires d’école sont rares et il est bien souvent encore nécessaire de payer une assistante maternelle, encore plus chère que la crèche.

Vous me direz qu’avec deux salaires les choses sont facilitées. Oui, mais encore faut-il que les salaires soient suffisants. Aujourd’hui, impossible de trouver un emploi bien payé si on n’a pas fait d’études. Or ce n’est pas accessible à tout le monde. Les écoles sont chères, inutile de le rappeler. Mais la fac aussi. Non, bien sûr, pas la fac en elle-même mais ce qui tourne autour. Payer un appartement, la nourriture, tout cela coûte extrêmement cher et rend les études supérieures inaccessible à bien des personnes (toujours les mêmes, d’ailleurs, mais là n’est pas la question).
Quand on y parvient, là encore, il n’est pas garanti de trouver l’emploi que l’on attend après. En effet, il faut de l’expérience pour trouver un travail. Or, il est difficile de combiner les études avec un job d’étudiant, allez interroger les profs de fac, ils déconseillent à leurs élèves de le faire.

Est-il réellement nécessaire de rappeler que la précarité est une réalité? Que faites-vous de ces femmes qui ne trouvent pas d’emploi ou qui ne trouvent que des emplois dont le salaire ne leur permet pas de faire garder leurs enfants? Je passerai sur le fait complètement aberrant qu’il faut un contrat de travail pour trouver une crèche mais qu’il faut avoir trouvé une crèche pour obtenir un contrat de travail. Que deviendront ces femmes qui n’ont pas le choix avec votre projet de loi? Il ne les aidera pas.
Je passerai aussi sur la question des parents d’enfants handicapés, du manque de structure qui fait que bien souvent, les mères n’ont pas réellement d’autre choix que de s’arrêter de travailler pour prendre soin d’eux.

Il y a aussi des femmes qui restent à la maison par choix, comme je l’ai fait. Parce qu’elles décident que leurs présences auprès de leurs enfants est importante, autant pour eux que pour elles. Pensez-vous réellement qu’il est nécessaire pour l’égalité entre le sexes d’obliger ces femmes à aller travailler? En vous promenant sur le net vous pourrez trouver nombre de témoignages de mamans qui sont déjà obligées d’aller travailler pour l’argent ou par le fait de la pression de la société. Voulez-vous réellement augmenter le nombre de ces témoignages de détresse?

Madame Vallaud-Belkacem, si vous voulez valoriser la place des femmes dans la société ne les empêchez pas de faire leurs propres choix. Empêchez plutôt les chefs d’entreprise de faire du harcèlement moral pour cause de grossesse. Empêchez les employeurs de donner un salaire moins élevé aux femmes qu’aux hommes, parce que si ce ne sont pas les hommes qui restent à la maison ce n’est pas seulement parce que c’est ce que dicte la société mais c’est aussi parce que leurs revenus sont plus élevés et qu’il est plus intéressant que ce soient eux qui continuent de travailler. Mais n’obligez pas des femmes qui n’en ont pas envie à aller travailler.

Bien à vous.

Pour ceux qui le souhaitent, il existe une pétition ici, à l’initiative de Conboudu pour s’indigner concrètement contre ce projet de loi.